(Article Hospimédia) La commission d’enquête du Sénat dévoile son traitement pour l’hôpital

La commission d’enquête du Sénat sur l’hôpital retrace les traditionnelles difficultés. Pour y remédier, elle propose quatre-vingts recommandations autour de l’allègement de la charge administrative, l’entrée en formation, le financement des établissements ou encore les groupements hospitaliers de territoire.

Après quelques mois de travaux et d’auditions, la commission d’enquête du Sénat sur les difficultés de l’hôpital publie son diagnostic et ses traitements pour sortir le système de santé de l’urgence. Si aucune n’est franchement disruptive, le rapport, présenté en conférence de presse par Bernard Jomier (Socialiste, écologiste et républicain, Paris), président de la commission, et Catherine Deroche (Les Républicains, Maine-et-Loire), rapporteuse, contient un ensemble de quatre-vingts recommandations. « Cette trame de décisions vise à répondre dans la durée à cette crise », résume Bernard Jomier.

Imbroglio sur les chiffres

La commission d’enquête a été mise en place en raison notamment des inquiétudes sur le nombre de lits fermés par manque de personnel. Début octobre, le conseil scientifique chargé d’éclairer la décision publique a publié un chiffre choc de 20%. Chiffre contesté par le Gouvernement qui, après enquête, estime à 2% la part supplémentaire de lits fermés par rapport à fin 2019, où les tensions étaient fortes — un plan d’urgence pour l’hôpital a d’ailleurs été annoncé, rappelle la commission sénatoriale. Catherine Deroche pointe ainsi un « Gouvernement incapable de donner une vision actualisée » sur les capacités hospitalières. Pour permettre un pilotage plus efficace, une évolution des bases disponibles est préconisée. « Pas de bons traitements sans un bon diagnostic« , souligne Catherine Deroche.

Le « modèle valenciennois » adopté par les sénateurs

Outre l’hôpital de proximité du Penthièvre et du Poudouvre à Lamballe (Côtes-d’Armor), la commission d’enquête s’est rendue au CH de Valenciennes (Nord) dans le cadre de son enquête. L’hôpital magnétique, comme le surnomme la direction, « démontre les bénéfices d’un fonctionnement plus ascendant, d’une forte implication des équipes médicales et soignantes et de circuits de décision plus courts et plus réactifs« , écrit la commission. Cette dernière note que cette expérience n’est pas dupliquée, en raison notamment d’une inflexion nécessaire de l’exercice des médecins.

Le rapport tire néanmoins quelques enseignements de cette expérience locale et recommande de renforcer la délégation de gestion, sur la base du principe de subsidiarité. Elle concerne à la fois les pôles et les services. En raison du modèle valenciennois, la commission ne se positionne pas en faveur d’une disparition des pôles, d’autant plus que la législation sur l’organisation de l’hôpital vient d’évoluer. « Quand j’ai commencé les travaux de la commission, j’avais une vision négative des pôles. J’ai beaucoup nuancé le propos« , reconnaît Catherine Deroche. Autre recommandation issue de la visite dans le Nord, la généralisation d’une instance dédiée à l’examen et au suivi des projets émanant des équipes de terrain. L’amélioration de la qualité de vie au travail, avec une crèche ou une conciergerie, est également citée à propos de cette visite.

Une charge administrative allégée

Même si des indicateurs réguliers et précis sont demandés, la commission met l’accent sur la diminution de la charge administrative. En conférence de presse, Catherine Deroche cite l’exemple du CHU de Nancy (Meurthe-et-Moselle) qui est parvenu à réduire le nombre de postes administratifs pour ouvrir des postes de soignants. Pour alléger la charge des soignants, la commission évoque le développement d’outils numériques plus performants et interopérables ainsi que la délégation de tâches pour les comptes rendus ou le codage des actes médicaux. Le rapport insiste également sur la nécessité de « débureaucratiser » les relations entre les établissements de santé et les ARS. Pour parvenir à un pilotage médico-administratif, le renforcement des pouvoirs de la commission médicale d’établissement est aussi suggéré.

 

Des carrières à repenser

La commission d’enquête du Sénat dresse également un constat, connu, sur le malaise des soignants. Le Ségur de la santé n’a été qu’un « palliatif conséquent et tardif qui aura généré déceptions et frustrations« . Pour compléter la hausse des rémunérations, le rapport insiste sur une meilleure prise en compte des heures supplémentaires et une revalorisation de la permanence des soins hospitaliers et du travail de nuit et le week-end. Sans avancer de chiffres précis, la commission souhaite une augmentation des ratios patients par soignants, pour les infirmiers et les aides-soignants.

Une amélioration de la carrière dans les hôpitaux permettrait d’attirer les professionnels tout en réduisant les vacances de poste et le taux de rotation des personnels. Un accès facilité à la formation continue, le développement de passerelles entre les métiers, les possibilités de reconversion, le tutorat et le compagnonnage sont d’autres pistes évoquées. Pour la formation initiale, l’accent est mis sur l’adaptation des maquettes et l’arrêt du recours à la plateforme Parcoursup.

Vers la fin du tout T2A

Pour répondre au défi, la commission fait un ensemble de propositions sur l’organisation territoriale en s’appuyant sur la ville et sur le maillage des hôpitaux de proximité. Surtout, le Sénat juge que le modèle de financement des hôpitaux est « usé« . La T2A avait du sens lors de sa création, rappelle Catherine Deroche. « Le problème, c’est son utilisation comme outil de régulation financière pour arriver, quoi qu’il en coûte, au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie« , poursuit-elle. Pour les parlementaires, il convient de proposer un nouveau modèle avec trois parts. Un lien entre financement et activité réelle serait conservé mais complété par une dotation populationnelle, liée aux besoins de santé du territoire, et par un financement à la qualité, dans des proportions plus importantes qu’actuellement.

Les grandes lois sur l’hôpital en France

31 décembre 1970 – Loi portant réforme hospitalière

Cette loi définit un système hospitalier articulé entre public et privé. Elle prévoit notamment la mise en place d’un conseil d’administration et d’une commission médicale consultative. Le directeur d’hôpital est nommé par le ministère.

31 juillet 1991 – Loi portant réforme hospitalière

Ce texte prévoit l’instauration d’un projet médical d’établissement ainsi que la création d’un schéma régional d’organisation sanitaire.

24 avril 1996 – Ordonnance portant réforme de l’hospitalisation publique et privée

C’est par voie d’ordonnance que le Gouvernement acte la création des agences régionales de l’hospitalisation, des groupements de coopération sanitaire et de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

18 décembre 2003 – Loi de financement de la sécurité sociale pour 2004

Avec cette loi de financement de la sécurité sociale entre en vigueur la tarification à l’activité.

21 juillet 2009 – Loi hôpital, patients, santé et territoires

Connue sous l’acronyme HPST, cette loi renforce les pouvoirs de la direction. Le conseil d’administration est transformé en conseil de surveillance tandis que l’organisation en pôles se met en place. Elle acte la création des agences régionales de santé, chargées de dessiner les nouveaux projets régionaux de santé. Concernant les coopérations, les communautés hospitalières de territoire viennent compléter le paysage.

26 janvier 2016 – Loi de modernisation de notre système de santé

Avec cette loi naissent les communautés professionnelles territoriales de santé, les groupements hospitaliers de territoire et les contrats locaux de santé. Les projets régionaux de santé sont simplifiés. Ils comprennent les schémas régionaux de santé, qui remplacent les schémas d’organisation sanitaire.

24 juillet 2019 – Loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé

Les hôpitaux de proximité connaissent une nouvelle définition et les projets territoriaux de santé voient le jour avec cette loi.

27 avril 2021 – Loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification

Pour appliquer les conclusions du Ségur de la santé, une proposition de loi prévoit la remédicalisation de la gouvernance et un retour du service. Le management participatif est également inclus. En parallèle, des ordonnances sont mises en œuvre, sur la médicalisation des décisions, les groupements hospitaliers de territoire, les hôpitaux de proximité, les communautés pluriprofessionnelles territoriales de santé, etc.

 

Jérôme Robillard

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